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République du Congo
Démocratie et gouvernance
En raison de son potentiel de recettes, d’équité et d’efficacité économique, l'impôt foncier représente un pilier des finances des collectivités locales, ainsi qu'un levier essentiel potentiel pour améliorer la prestation des services publics locaux et renforcer le contrat social. Pourtant, dans de nombreux pays à faible revenu, les recettes provenant de l'impôt foncier, ne représentent souvent qu'environ 10 %, en termes de part du PIB, des niveaux atteints dans les pays à revenu élevé. Ces dernières années ont été marquées par l’émergence d’approches expérimentales et innovantes visant à concevoir des modèles efficaces de réforme de la taxe foncière, adaptés aux spécificités des pays à faible revenu.
Trois projets, mis en œuvre respectivement au Sénégal, en Gambie et en République Démocratique du Congo, et soutenus par le FID, s’inscrivent dans cette dynamique en testant avec les pouvoirs publics des solutions innovantes et complémentaires, en collaboration avec des équipes de recherche. Les résultats et apprentissages issus de deux de ces projets — le Projet d’Amélioration de la Gestion des Contributions Foncières (PAGCF) au Sénégal et l’initiative conduite par ODEKA en République Démocratique du Congo — sont désormais disponibles et contribuent à nourrir la réflexion sur les modalités de réformes fiscales adaptées à ces contextes.
Au Sénégal, où les recettes collectées correspondent à seulement 7% du potentiel fiscal du pays, le Projet d’Amélioration de la Gestion des Contributions Foncières (PAGCF) co-porté par une équipe de recherche - l’Ecole d’économie de Paris/Sciences Po - et les institutions fiscales nationales - notamment la Direction générale des Impôts et des Domaines - vise à améliorer la méthode de collecte et de calcul de l’impôt via une solution numérique.
Il s’agit en particulier de répondre aux contraintes structurelles de l’administration sénégalaise, soit : la sous-utilisation des données cadastrales, l’absence d’un système d’adressage fiable permettant la distribution des avis et le suivi des contribuables, et les difficultés pour l’administration à évaluer la valeur des biens immobiliers servant de base au calcul de la taxe.
Une plate-forme numérique a été conçue pour centraliser les données cadastrales et émettre les avis d’imposition et permettre ainsi à l’administration fiscale de recenser les parcelles imposables à très grande échelle, mettre à jour les données sur les contribuables et leurs biens immobiliers et in fine d’élargir l’assiette fiscale et l’efficacité du système d’imposition actuel.
En République Démocratique du Congo, le projet porté par l’Organisation d'Etudes Economiques sur le Kasaï (ODEKA) en collaboration étroite avec l’autorité fiscale provinciale la Direction Générale des Recettes du Kasaï-Central (DGRKAC) et mis en œuvre dans l’agglomération urbaine de la ville de Kananga, adresse de manière centrale la question du taux d’imposition : faut-il privilégier un taux proportionnel ou progressif pour maximiser à la fois les recettes fiscales et l’adhésion des citoyens ? Ce projet examine également les perceptions des citoyens sur deux aspects : la transparence et l'équité du programme d'une part, et leur disposition à payer leurs impôts d'autre part. Ces résultats orienteront la politique publique provinciale.
Dans ces deux projets, la recherche n’intervient pas après coup, mais dès le démarrage et la conception des projets. Cette démarche permet ainsi d’atteindre un objectif double : valider l’efficacité des innovations en conditions réelles à travers des évaluations d’impact rigoureuses et fournir aux institutions fiscales les preuves nécessaires pour orienter leurs réformes.
Au Sénégal, la base fiscale s’est enrichie de plus de 38 000 parcelles, portant le taux d’enregistrement à 92 % dans les zones ciblées. En 2025, 26 412 nouveaux avis d’imposition ont été émis. La nouvelle approche a généré plus d’un milliard de Francs CFA de recettes supplémentaires et permis de tripler la conformité fiscale locale. Sur cette base, la DGID prévoit d’étendre la solution à toute la région de Dakar, avec un potentiel annuel de recettes supplémentaires estimé entre 3 et 8 milliards FCFA (soit 8 à 12 millions d’euros).

En République Démocratique du Congo, lors d’une campagne de collecte d’impôt menée en 2024 dans différents quartiers de la ville de Kananga, le barème progressif a favorisé une conformité fiscale cinq fois plus élevée que les autres régimes (fixe- statut quo et proportionnel). De plus, le montant d’impôt collecté a augmenté de 36% en moyenne par propriété par rapport au statut quo.
Bien que PAGCF ne visait pas de manière centrale à améliorer l’équité du système fiscal actuel, le projet a montré que le nouveau système réduit la sous-évaluation des propriétés les plus chères, améliorant ainsi l’équité et limitant les pertes de recettes.
L'étude d'Odeka révèle que, lorsque les différents systèmes fiscaux sont clairement expliqués, les citoyens perçoivent le barème progressif comme plus équitable, ce qui renforce leur confiance envers le gouvernement et leur volonté de payer leurs impôts. En effet, avant la mise en œuvre du projet, une étude a révélé que les citoyens ne voyaient pas de différence d'équité entre les différents régimes fiscaux. Une campagne d’information a alors été mise en place pour expliquer clairement les différents régimes afin d’analyser si une meilleure compréhension changeait les perceptions et la disposition à payer des contribuables. Celle-ci semble avoir porté ses fruits, car à la fin du projet, une majorité des contribuables considérait le système progressif comme le plus équitable et souhaitait son adoption à Kananga.
Les systèmes proportionnel et progressif renforcent par ailleurs le sentiment de devoir civique face à l'impôt (« moralité fiscale »), surtout chez les contribuables aisés qui développent un meilleur sens fiscal quand le système est plus juste.
Au-delà de leur contribution à la recherche académique, ces résultats répondent à une demande et à un besoin concret des décideurs publics : disposer de données probantes pour faire évoluer leurs politiques fiscales. Au Sénégal, comme en RDC, les passages à l’échelle de ces évolutions du barème et du système de collecte de la taxe foncière sont en cours d’étude.
Ces initiatives sont aussi des sources d’inspirations pour d’autres pays cherchant à améliorer leur conformité fiscale. L’autre projet soutenu par le FID en Gambie, avec la municipalité de Kanifing, pourra ainsi apprendre des résultats des initiatives au Sénégal et en RDC.
La conférence organisée au Bénin les 28 et 29 octobre par l'Institut Local Government Revenue Initiative (LOGRI) en partenariat avec l’African School of Economics, la Direction Générale des Impôts du Bénin et le Fonds d’Innovation pour le Développement constitue précisément un espace d’échange d’expériences.
Les administrations fiscales impliquées dans les projets soutenus par le FID y participeront pour échanger avec leurs homologues confrontés à des défis similaires.
Eclairages
Comprendre et partager les enseignements des projets soutenus par le FID
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