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CIVLead : prévenir et réduire les risques sanitaires liés à 
l’exposition au plomb des femmes enceintes et des enfants en Côte d’Ivoire

Publication de FID


15 mai 2025


Analyse

Côte d'Ivoire

Santé

L'Alliance mondiale pour l'élimination des peintures au plomb, soutenue par le Programme des Nations Unies pour l’Environnement et l'Organisation Mondiale de la Santé, alerte depuis plusieurs années sur les dangers de l'exposition au plomb, avec environ un enfant sur trois dans le monde exposé à des niveaux de plombémie susceptibles de provoquer des lésions neuro-développementales irréversibles.

Le projet pilote CIVLead, financé par le FID a pour objectif de prévenir les risques sanitaires liés à la présence de plomb dans les foyers en Côte d'Ivoire.

Un besoin d’actions de sensibilisation pour prévenir la contamination par le plomb

En 2014, le Ministère de l’Environnement a adopté une stratégie nationale de gestion des produits chimiques, et un projet de loi sur la gestion des produits chimiques, adopté en novembre 2023, encadre désormais la gestion des substances dangereuses, dont le plomb. Ce cadre a permis la mise en place d'initiatives de collecte de données, révélant des niveaux élevés de plomb dans les peintures utilisées dans les habitations.

Une première étude, publiée en 2017 par les Jeunes Volontaires pour l’Environnement, a été suivie par un atelier national en novembre 2023, soutenu par l'OMS et le PNUE, pour présenter les résultats de l’évaluation des concentrations en plomb dans les peintures décoratives en Côte d'Ivoire (IPEN, 2017). Une autre évaluation menée en 2023 par l’équipe du projet CIVLead a montré que 9 des 15 pots analysés contenaient des niveaux préoccupants de plomb (van Geen et al., 2024).

Ces diverses initiatives, tout en pointant les risques sanitaires du plomb et l'importance de la sensibilisation, n’incluent pas cependant d'actions concrètes pour informer les populations sur les sources et les voies d'exposition, ainsi que sur les mesures d'hygiène et de contrôle des poussières afin de réduire les risques sanitaires, notamment chez les enfants. Jusqu’à présent, très peu de campagnes de sensibilisation faisant l’objet d’évaluation d’impact ont été menées dans les pays du sud.

A titre d’exemple, on citera une initiative évaluée dans une région rurale du Bangladesh, visant à réduire l’exposition au plomb présente dans les peintures chez les enfants et ceux qui s’occupent d’eux. L’étude a montré une hausse de la prise de conscience de 52 % et a favorisé le développement de comportements préventifs d’exposition au plomb dans les localités concernées (Jahir et al. 2021).

Le projet CIVLead, soutenu par le FID, répond à ce besoin de prévention en visant à sensibiliser les ménages d'Abidjan, en particulier les femmes enceintes et les mères de jeunes enfants, aux risques liés à la présence de plomb dans les peintures et en fournissant des informations sur les mesures de prévention à mettre en place.

Un dispositif innovant combinant diagnostic, autotest et sensibilisation aux mesures préventives

L’intervention pilote menée en 2023 à Abidjan a combiné, d’une part, des tests auprès des familles de femmes enceintes pour mesurer la présence de plomb dans les peintures des habitations et dans le sang des enfants, et, d’autre part, des activités de sensibilisation sur les risques sanitaires liés à l’exposition au plomb et les mesures préventives.

Une innovation majeure a consisté à intégrer le test Lumetallix, développé par l’entreprise néerlandaise du même nom, dans le protocole de recherche. Ce test, qui permet aux ménages de tester eux-mêmes leur environnement, repose sur l’hypothèse comportementale selon laquelle l’utilisation d’autotest favoriserait des stratégies de réduction des risques (par exemple, en éloignant les enfants des zones contaminées), davantage qu’un test réalisé par des intervenants externes.

Des résultats prometteurs : une exposition avérée et reconnue des enfants au plomb à Abidjan, des mesures de prévention à poursuivre 

L'intervention pilote menée à Abidjan a révélé qu'un nombre significatif d'enfants est exposé à des niveaux préoccupants de plomb. L'enquête réalisée dans les foyers de 200 femmes a montré que près d'un tiers des habitations était contaminé, principalement par la peinture, et ce de façon totalement décorrélé du niveau socio-éducatif des ménages. Les analyses sanguines ont également confirmé la présence de plomb dans le sang des enfants, avec une concentration moyenne de 60 μ/L, supérieure à celle observée en Europe (Stajnko et al., 2024) et aux États-Unis (Teye et al., 2021).

L'intervention a significativement augmenté la part des femmes ayant connaissance des dangers du plomb (de 3% à 59%), ainsi que des mesures pouvant être prises pour réduire les risques d’exposition au plomb (de 1% à 66%). Pour autant, cette prise de conscience n'a pas toujours été suivie d’effets : seules 40 % des participantes ont déclaré avoir adopté certaines de ces mesures, notamment celles qui ciblent les enfants (augmentation de la fréquence de lavage des mains par exemple). L’attrition observée de 23,5 % du nombre de femmes enceintes participantes au fil des visites pourrait en partie s’expliquer, selon l’équipe de recherche, par les déplacements des femmes vers leurs localités de naissance pour accoucher.

En outre, l’hypothèse d’une implication accrue des ménages à qui est offerte la possibilité de tester eux-mêmes leur environnement demandera à être testée plus avant lors d’une phase ultérieure. Les motifs de l’attrition devront eux aussi être mieux identifiés ainsi que des actions correctives pour favoriser la participation des femmes. Enfin, les autres sources potentielles de contamination au plomb, par les ustensiles de cuisine notamment, demanderont à être confirmées par des études complémentaires.

L'approche interdisciplinaire de l'équipe de recherche, composée de médecins, chimistes environnementaux et chercheurs en sciences sociales, semble avoir été un facteur-clé pour la bonne marche du projet. Comme l’a souligné Flore Gubert lors de la conférence du réseau IPORA en avril 2025 : « Du fait de la collaboration ancienne entre les partenaires recherche du projet, entre la Côte d’Ivoire et la France, chacun a rapidement investi son rôle, de manière complémentaire. La complémentarité des profils et des disciplines a aussi contribué positivement à la mise en œuvre du dispositif, notamment grâce à l’implication des médecins dans la sensibilisation des femmes enceintes. »

En conclusion, cette intervention, menée par des équipes de recherche pluridisciplinaire, représente un modèle prometteur pour le diagnostic et la sensibilisation sur les enjeux d’exposition au plomb, avec un potentiel de mise à l’échelle pour soutenir les politiques publiques de santé en Côte d'Ivoire, ainsi que dans d’autres pays d’Afrique de l’Ouest aux défis comparables.

L'équipe de recherche

CIVLead est mis en œuvre par l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD) en partenariat avec Columbia University, l’Ecole des Hautes Etudes en Santé Publiques et plusieurs institutions de recherche ivoiriennes, dont l’Université Félix Houphouët Boigny, le Laboratoire National d’Essais de Qualité de Métrologie et d’Analyse et l’École Nationale Supérieure de Statistique et d'Economie Appliquée.

Le projet est piloté par Flore Gubert et Mathias Kouassi, et mobilise plusieurs autres chercheurs : Florence Bodeau-Livinec, Stéphanie Dos Santos, Alex Franck Houffoue, Jacques Gardon, Véronique Gille, Maeva Kone, Hugues Kouadio, Ernest Kouassi Ahoussi, Epiphane Marahoua, Camille Nougbe, Camille Saint-Macary, Petanki Soro et Alexander Van Geen.

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