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Santé
Selon l’Organisation mondiale de la santé, 280 millions de personnes, dont 5 % des adultes, ont été touchés par la dépression en 2019. Souvent corrélée au seuil de pauvreté, cette maladie peut avoir des répercussions sur tous les aspects de la vie. La santé mentale représente un défi majeur de santé publique et le FID soutient trois équipes qui proposent des approches innovantes visant à compléter les offres de soin existantes. Présentation de ces trois projets soutenus par le FID, au Kenya, en Côte d’Ivoire et en Inde.
« Un sujet tabou ». De nombreux acteurs de la santé mentale s’accordent à décrire cet enjeu comme sous-investi, particulièrement dans les pays à revenu faible et intermédiaire, rendant l’accès aux soins et aux traitements souvent insuffisant.
D'après l'Organisation mondiale de la santé, on dénombre seulement 2 professionnels de la santé mentale pour 100 000 habitants dans ces pays, alors que ce chiffre dépasse 70 dans les pays à revenu plus élevé. « Ces taux contrastent nettement avec les besoins, étant donné que l’on estime qu’une personne sur dix a besoin de soins de santé mentale à tout moment » souligne l’OMS.
En Afrique, seulement un pays sur cinq dispose d’une politique de santé mentale et la majorité consacre moins de 1 % de leur budget de santé au traitement des troubles mentaux. Par exemple, le Kenya ne compte qu’un spécialiste de la santé mentale pour un million d’habitant.es. Une situation découlant de « problèmes structurels et systémiques : l’accès à l’aide est souvent un parcours semé d’embûches pour la jeunesse kényane », explique Tom Osborn, cofondateur et directeur général de l’institut Shamiri. Des obstacles qui dissuadent certaines personnes à se faire soigner. A ce déficit de prise en charge s’ajoute la stigmatisation des troubles mentaux qui peuvent être perçus comme des tabous culturels ou des signes de faiblesse. « la stigmatisation qui entoure la santé mentale constitue un frein supplémentaire pour les personnes qui veulent se faire aider » ajoute-t-il.
Le constat est similaire pour Marie-Alix de Putter, présidente de Bluemind Foundation qui rappelle qu’ « en Afrique, 135 millions de personnes souffriraient de troubles de la santé mentale ». Elle plaide « pour destigmatiser la santé mentale et rendre accessible le soin pour toutes et tous en Afrique ». Forte de ce constat, elle a créé le projet Heal By Hair en Côte d’Ivoire qui vise à former des coiffeuses en santé mentale, afin de leur permettre d’apprendre à reconnaitre les premiers signes de troubles mentaux.
Le projet pilote, mis en œuvre entre avril 2022 et juillet 2023, a permis à l’équipe de tester les modules de formation en lien avec des spécialistes en santé mentale et de délivrer des sessions à destination de 200 coiffeuses. Il rapporte des résultats encourageants en mettant en évidence des améliorations dans la perception « des clientes des coiffeuses formées significativement plus optimistes, dynamiques et apaisées que les clientes des coiffeuses non formées ». La Bluemind Foundation souhaite désormais faire la démonstration de l’impact de ce programme et s’est associée à une équipe de recherche pour y parvenir. Le FID finance cette nouvelle étape essentielle pour convaincre les pouvoirs publics de l’intérêt de cette approche.
Le programme Anansi développé par l’institut Shamiri dont Tom Osborn est directeur général, tente de lever les obstacles aux soins de santé mentale spécifiquement parmi les jeunes kényans entre 18 et 22 ans. Le modèle développé, qui s’appuie sur des résultats d’impact déjà existants, propose un protocole de soins à trois niveaux destiné aux élèves dans les lycées et les collèges. Il a pour objectif de prendre en compte le besoin de chaque jeune et de proposer des séances de thérapie de groupe animées par des pair.es thérapeutes formé.es par l’institut.
Le financement du FID permet à l’institut de mener une évaluation d’impact à grande échelle auprès de 25 000 jeunes à faibles revenus et de déterminer si le programme Anansi brise le lien entre pauvreté et inégalité car comme le précise Tom Osborn « La pauvreté augmente le risque de développer des problèmes de santé mentale, car le fait de naître dans un milieu où les ressources sont limitées expose à des facteurs de stress qui provoquent ces problèmes ».
En 2024, l’institut Shamiri a déjà atteint 102 000 jeunes dans 7 districts du Kenya atteignant ainsi l’objectif de sensibiliser 100 000 jeunes par an.
L’Inde fait également face à des obstacles qui limitent l'accès aux soins de santé mentale. On y recense seulement 0,3 psychiatre pour 100 000 habitants, comparé à 23 en France. De plus, le manque de sensibilisation au sujet rend souvent difficile l'identification des symptômes de la dépression.
Suite à une étude lancée dans le pays, qui a permis de découvrir qu’entre 10% et 24% des adultes souffraient d’une forme de dépression (Angelucci et Bennett, 2023), l’organisation DAI Research And Advisory Services propose de tester en Inde Self Help Plus, un programme développé par l’OMS qui ,vise réduire la détresse psychologique et de prévenir les troubles mentaux. L’idée est de proposer à des agents non professionnels d’être formés par des spécialistes de la santé mentales et médecins pour animer des sessions de groupe. Cette méthode permet de pallier le manque de professionnels formés et de fournir un soutien aux personnes souffrant de ces pathologies. Si l’approche a fait ses preuves dans certains contextes, elle n’avait pas encore été testée en Inde. Le financement du FID va permettre de tester sa mise en œuvre en Inde à petite échelle et ses éventuelles adaptations avant d’envisager un déploiement plus large.
Ces trois approches innovantes financées par le FID viennent compléter une offre de soin encore insuffisante, à fournir un premier diagnostic, à améliorer l’orientation des patients et à offrir un premier niveau de soutien dans un domaine essentiel car comme le souligne la Bluemind Foundation, « le premier point avant d’accéder aux soins, c’est de pouvoir utiliser des mots justes et sans stigmatisation ».
Photo : © Institut Shamiri
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