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« La stigmatisation qui entoure la santé mentale constitue un frein supplémentaire pour les personnes qui veulent se faire aider. »

Article de Equipe du FID


09 octobre 2023


Projets financés par le FID

Kenya

Santé

A young woman discussing with peopleA young woman discussing with people

La santé mentale représente un défi urgent, bien que sous-investi, de santé publique et le développement. À l’occasion de la Journée mondiale de la santé mentale, Tom Osborn, cofondateur et directeur général de l’Institut Shamiri, nous donne un aperçu de la situation en matière de santé mentale au Kenya. Il évoque également le programme Anansi, développé par l’Institut dans ce pays et financé par le FID. Ce protocole de santé mentale innovant, basé sur des preuves d'impact, est destiné aux jeunes à faibles revenus.

Pourquoi l’accès aux soins de santé mentale est-il aussi important pour lutter contre la pauvreté ?

Plusieurs années de recherches ont permis de montrer une corrélation entre les problèmes de santé mentale et la pauvreté. La pauvreté augmente le risque de développer des problèmes de santé mentale, car le fait de naître dans un milieu où les ressources sont limitées expose à des facteurs de stress qui provoquent ces problèmes.

D’autre part, les problèmes de santé mentale ont une incidence sur notre manière de penser et de prendre des décisions, ce qui peut conduire à la pauvreté. Par conséquent, il est crucial de prendre soin de la santé mentale dans les secteurs aux ressources limitées, où les jeunes courent trois fois plus de risques de connaître des problèmes de santé mentale. Pour lutter contre la pauvreté, il est important que les jeunes qui vivent dans ces secteurs puissent accéder à des soins de santé mentale, car cela peut les aider à mener une vie indépendante.

Quelle est la situation au Kenya en matière de santé mentale ?

À l’échelle mondiale, les problèmes de santé mentale représentent 45 % des maladies chez les jeunes de 12 à 24 ans. Au Kenya, ils touchent près de la moitié des adolescent·es. Or, ces problèmes empêchent les jeunes de s’épanouir ; ils peuvent dégrader la qualité de vie, limiter les perspectives professionnelles, accroître le risque de comportements dangereux et engendrer un handicap économique et social à vie. C’est un enjeu particulièrement urgent au Kenya, où la moitié de la population n’a pas plus de 19 ans.

Malheureusement, en raison de problèmes structurels et systémiques, l’accès à l’aide est souvent un parcours semé d’embûches pour la jeunesse kényane. Par exemple, on compte seulement 1 spécialiste de la santé mentale par million de Kényan·es, et les thérapies traditionnelles sont chères et longues. La stigmatisation qui entoure la santé mentale constitue un frein supplémentaire pour les personnes qui veulent se faire aider. Par conséquent, il est urgent de mettre au point des services de santé mentale innovants qui permettront d’éliminer ces obstacles.

Quels sont les objectifs du programme Shamiri, et contre quels problèmes lutte-t-il ?

Le modèle Shamiri s’inspire de trois idées simples :

  1. Il est possible de former des prestataires de soins non professionnel·les qui sauront fournir une thérapie efficace.
  2. Des thérapies courtes, simples et non stigmatisantes peuvent être efficaces contre les problèmes courants de santé mentale
  3. Il est possible d’exploiter les ressources humaines existantes (c’est-à-dire les services d’action sociale) pour élargir l’accès à des prestataires de soins.

Voilà comment ça fonctionne :

  • Primo, nous formons des pair·es-thérapeutes : des jeunes âgé·es de 18 à 22 ans qui viennent de finir le lycée et qui apprennent à assurer une thérapie de groupe efficace en dix heures seulement.
  • Secundo, ces pair·es-thérapeutes offrent ce que l’on appelle une thérapie « low touch », c’est-à-dire discrète, qui vise à mettre en avant nos atouts plutôt que nos défauts, et qui cherche non pas à atténuer la dépression, mais plutôt à améliorer notre mode de fonctionnement général.
  • Tertio, le travail des pair·es-thérapeutes s’inscrit dans un modèle de prestation de soins à plusieurs paliers. Ces jeunes sont formé·es, supervisé·es et soutenu·es par des prestataires à faible coût (services de conseil et d’action sociale, par exemple), et, en cas de besoin, les quelques psychologues et psychiatres dont nous disposons peuvent leur venir en aide.

C’est ça, le modèle Shamiri : un modèle très simple qui s’appuie sur ces trois idées très simples. Il permet aux personnes concernées de s’inscrire aux séances dans leur collège ou lycée, et transforme ainsi l’expérience souvent solitaire et isolante de la thérapie en occasion de tisser des liens dans la bonne humeur : les jeunes se retrouvent pendant une heure, 4 semaines durant, pour travailler ensemble en groupes de 6 à 15 personnes. Ces séances leur apprennent à transformer les difficultés en opportunités de croissance, à pratiquer la gratitude en comptant leurs bénédictions et à résoudre des problèmes en réfléchissant aux valeurs qui comptent le plus pour eux et elles. Entre les séances, les élèves s’entraident pour développer, cultiver et mettre en pratique ces compétences, car c’est en forgeant que l’on devient forgeron.

L’effet de ce modèle a été confirmé par des essais contrôlés randomisés : les jeunes se libèrent de la dépression et de l’anxiété, voient leurs résultats scolaires et leurs relations sociales s’améliorer et, surtout, développent un sentiment d’autonomie qui leur permet de savoir qu’ils et elles ne sont pas victimes de leur situation, mais que leur avenir est entre leurs mains.

En quoi cette méthode est-elle innovante et comment pensez-vous qu’elle puisse changer la donne ? /Comment croyez-vous que le modèle Shamiri peut améliorer la vie de ses bénéficiaires ? Et comment envisagez-vous d’élargir le rayon d’action du programme ?

Le modèle Shamiri est unique pour plusieurs raisons :

  1. Tout d’abord, l’intervention vise à renforcer les forces de caractère et le fonctionnement global de la personne au lieu d’atténuer les psychopathologies, ce qui limite la stigmatisation.
  2. L’intervention a été testée dans le cadre de plusieurs études scientifiques qui ont été publiées dans des revues à comité de lecture.
  3. Le recours à un modèle de prestation de soins à plusieurs paliers améliore l’accès aux prestataires de soins et élimine le problème de la pénurie de prestataires.
  4. Le modèle est simple et reproductible, ce qui permet de le reproduire facilement dans d’autres domaines.

Surtout, c’est un modèle avec un bon rapport coût-efficacité, puisqu’il coûte à l’heure actuelle 10 dollars par personne – un chiffre qui, à terme, pourrait descendre à 5 dollars. Actuellement, nous venons en aide à 27 000 jeunes par an, et nous devrions en aider 100 000 l’année prochaine.

Pour élargir notre rayon d’action, nous ouvrons des centres Shamiri dans différentes régions du pays et nous nous associons avec d’autres organisations pour qu’elles reproduisent notre modèle selon un modèle rappelant celui de la formation des formateurs et formatrices.

Qu’espérez-vous accomplir/apprendre grâce au financement du FID ?

Nous nous réjouissons du financement du FID, car il nous permettra de franchir une nouvelle étape dans notre expansion. Grâce au FID, par exemple, l’institut est déjà passé de 5 000 jeunes bénéficiaires par an à 27 000, et nous sommes en passe d’atteindre le cap des 100 000. Cela dit, nous attendons avec encore plus d’impatience les enseignements de ce financement. En particulier, nous apprendrons deux choses très importantes :

  1. D’une part, nous saurons si d’autres organisations peuvent mettre efficacement en œuvre le modèle Shamiri. Le cas échéant, cette voie constituera un moyen sûr d’élargir notre rayon d’action.

  2. D’autre part, nous recevrons les données d’un essai clinique de grande envergure qui démontrera qu’il existe un rapport entre la santé mentale et la pauvreté, et que les interventions en santé mentale contribuent à réduire la pauvreté. En outre, selon nos prévisions, les jeunes qui auront bénéficié de notre modèle souffriront moins de dépression et d’anxiété, verront leurs résultats scolaires et leurs relations sociales s’améliorer, et auront accès à des revenus et des moyens de subsistance plus importants après le lycée.

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09 octobre 2023

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