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Un mode de cuisson à l’électricité pour lutter contre la déforestation du parc national des Virunga en République démocratique du Congo

Article de L'équipe du FID


18 mars 2024


Projets financés par le FID

République Démocratique du Congo

Vue du ciel du parc des VirungaVue du ciel du parc des Virunga

Le FID finance une évaluation visant à mieux comprendre dans quelle mesure l’adoption de cuiseurs électriques dans la ville de Goma en République Démocratique du Congo pourrait réduire la consommation de charbon de bois de contrebande qui met en péril les forêts du parc national des Virunga. Les premiers résultats de cette évaluation, dévoilés par l’équipe de recherche, démontrent un intérêt des ménages pour ce mode de cuisson.

Pendant dix ans, Ruth Kavugho Tsongo a parcouru le parc des Virunga comme garde avec la mission très spéciale d’accompagner les touristes à la rencontre des gorilles abrités dans la forêt, près des montagnes. Un périple périlleux de deux à trois heures à travers l’une des plus grandes zones de biodiversité en Afrique, également le théâtre d’affrontements de groupes armés.

En dix ans d’activité, Ruth a vu les arbres se raréfier dans certaines zones du parc « notamment près de Goma dans le Nord Kivu qui est une zone qui a accueilli beaucoup de populations déplacées, conséquence des conflits armés » constate-t-elle.

Ruth, garde parc dans le parc des Virunga

La cuisson au charbon de bois, une menace pour la forêt du parc des Virunga

L’une des raisons de cette déforestation : la cuisson au charbon de bois connu sous le nom de « makala » en lingala. Combustible produit à partir d’arbres abattus dans la forêt, il constitue la source d’énergie de 90% des habitants à l’Est du Congo. Commerce lucratif, il est devenu l’objet d’un trafic illégal. « En RDC, le charbon de bois est une véritable industrie, contrôlée par les groupes armés », explique Emmanuel de Merode, directeur du Parc National des Virunga.

L’abattage des arbres n’est pas autorisé dans le parc national du Virunga qui abrite de nombreuses espèces animales, pour certaines menacées d’extinction. « Le parc a 750 gardes parc qui couvrent environ 60 000 km chaque année afin de conserver cet habitat. Chaque année, 3 500 sacs de charbon sont saisis », explique Sébastien Desbureaux, chercheur au Centre d’Economie de l’Environnement – Montpellier (CEE-M).

L’électricité comme alternative possible au charbon de bois

Pour protéger cet espace naturel, le parc des Virunga a également misé sur l’installation de centrales hydroélectriques « au fil de l’eau » qui fournissent de l’électricité aux habitants. Aujourd’hui, cette énergie est accessible à plus de 27 000 ménages (170 000 habitants) et pourrait offrir une alternative à la cuisson au charbon de bois « La population consomme beaucoup de viande grillée et il n’est pas possible de l’obtenir en utilisant le gaz mais l’électricité pourrait être une solution », explique Ruth.

S’appuyant sur cette nouvelle source d’énergie, une équipe de recherche menée par le Centre d’Economie de l’Environnement de Montpellier (CEE-M, INRAE), la Fondation Virunga et l’Université d’Anvers a lancé en 2019 un projet qui vise à remplacer l’utilisation de la biomasse par un auto-cuiseur électrique. Il consiste à mettre à disposition de familles un autocuiseur électrique, intégralement subventionné par l’entreprise sociale fournisseur d’énergie hydroélectrique, Virunga Energies, détenue à 100 % par la Fondation Virunga, en charge de la gestion du parc national avec l’Institut Congolais pour la Conservation de la Nature. L’objectif : convertir des familles à promouvoir ce nouveau mode de cuisson et ainsi réduire la consommation de bois. Par ailleurs, l’augmentation des dépenses en électricité qui en résulte pourrait créer à terme un retour sur investissement positif pour l’entreprise.

Un projet soutenu par le FID

De par son potentiel d’impact et son caractère innovant, le projet a reçu un financement du FID en 2022 afin de tester différentes modalités de soutien à l’adoption des autocuiseurs, via de la subvention de matériel, de l’électricité et des activités de sensibilisation aux enjeux environnementaux. Cet apport financier a aussi pour objectif de mesurer l’impact de l’adoption du nouveau mode de cuisson proposé sur l’utilisation et la demande de charbon de bois.

1 000 foyers ont depuis reçu des cuiseurs électriques, et leurs habitant.e.s ont été convié.e.s à des démonstrations culinaires mettant en avant l'utilisation de ces appareils. Six mois après la distribution, une équipe de recherche pilotée par Sébastien Desbureaux a débuté une enquête pour tenter d’en savoir plus sur l’utilisation de ces cuiseurs par les ménages sélectionnés.

atelier de sensibilisation à la cuisson électrique

Les premiers résultats de l’évaluation d’impact financée par le FID

En 2018, Ruth a rejoint l’équipe de suivi évaluation du parc et est impliquée dans le projet. Elle a participé à la collecte de données sur le terrain qui a duré entre 6 et 12 mois. « J’ai appris à utiliser les outils de collecte comme le logiciel Kobo pour récupérer des données chiffrées et aussi pour en savoir plus concrètement sur les habitudes de cuisson 6 mois après l’introduction de ces cuiseurs au sein des ménages ».

En février 2024, l’équipe de recherche affiche les premiers résultats de ce test, avant une enquête finale prévue pour la fin d’année. « Nous nous sommes focalisés sur la consommation d’électricité », explique Sébastien. Et l’un des premiers résultats constatés concerne la baisse de la facture énergétique : « Lorsqu’ils utilisent le cuiseur, les ménages consomment moins de charbon de bois et réalisent une économie de 5,5 dollars/mois, ce qui équivaut à 275 dollars sur une durée de 5 ans ». L’équipe note également un bénéfice pour l’environnement avec 30% de charbon consommé en moins par ménage. Par ailleurs, les premières données d’appropriation semblent encourageantes : « Nous avons constaté que même les ménages caractérisés comme les plus pauvres s’étaient appropriés ce mode de cuisson et que les personnes interrogées reconnaissaient le gain d’argent et de temps », souligne Sébastien.

Si les effets directs de la cuisson à l’électricité sur la santé n’ont pas apporté de résultats tangibles à date, les enquêtes démontrent le véritable intérêt des participant.e.s pour les questions environnementales et sociales du parc des Virunga. « Beaucoup de familles se sentent concernées par la situation dans le parc. J’espère que nous allons réussir à ôter la pression sociale et environnementale qui existe sur la forêt », explique Ruth qui souhaite dorénavant poursuivre ses activités dans des projets de recherche scientifique avec toujours un objectif en tête : protéger les ressources naturelles du Parc et l’habitat des animaux qu’elle côtoie depuis plus de 20 ans.

Article de L'équipe du FID

18 mars 2024

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